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Contribuables

Arguments

La grande braderie fiscale est un leurre, par Nicolas Ruiz etAlain Trannoy
LE MONDE | 25.03.09 |

Accourez bonnes gens, participez à la grande braderie des réductions d'impôts !
Accourez, coiffeurs, esthéticiennes, garagistes, fleuristes, boulangers-pâtissiers, approchez-vous tous qui produisez des services à la personne !
Demandez au monarque qui nous gouverne de réduire votre taux de TVA de 19,6 % à 5,5 %. Et oubliez que, dans toutes les démocraties dignes de ce nom, la décision de lever l'impôt est du ressort du Parlement.

Les services que vous produisez ne sont pas de première nécessité ?
Ils ne s'apparentent pas à des produits alimentaires de base, aux transports, à l'approvisionnement énergétique ?
Ils n'engendrent pas d'effets externes tels que l'éducation, la santé et la culture ?
Qu'à cela ne tienne !
Ils ne peuvent mériter le label d'économie verte ?
Foin de tout cela.
Votre secteur n'est pas en perdition économique, sous le feu d'une concurrence internationale très vive, comme l'automobile ?
Quelle importance !
L'essentiel est de constituer un lobby efficace, de ne pas hésiter à rendre crédibles ses menaces en introduisant, par exemple, un recours en Conseil d'Etat comme l'a fait l'Union professionnelle des métiers de l'hôtellerie-restauration (UMIH) au sujet de l'exonération des cantines de la TVA en 1999.
Vantez la création mirifique d'emplois, portez à la connaissance de nos gouvernants une
prétendue injustice entre la vente à emporter et la vente à consommer sur place, et tant pis si cette distinction, en vigueur chez tous nos voisins, Angleterre, Allemagne, ne les a pas conduits à aligner vers le bas ces taux de TVA.
Peu importe si le déficit de l'année est d'ores et déjà de 105 milliards d'euros, si la loi TEPA a,
quant à elle, réduit l'impôt sur les successions, l'impôt des plus fortunés grâce au bouclier fiscal ou la détaxation des heures supplémentaires, pour un coût annuel de 15 milliards. En 2010, les entreprises ne paieront plus la taxe professionnelle, une dépense fiscale de 8 milliards, unebagatelle.
Pauvre premier ministre, qui se lamente de l'absence d'argent dans les caisses !

DE QUI SE MOQUE-T-ON ?

Vous n'avez pas compris ? Le but de cette politique est d'organiser l'insolvabilité de l'Etat, de le
mettre à genoux, pour rendre incontournable demain la réduction du nombre de fonctionnaires, le gel ou la diminution des salaires et des pensions, la diminution de l'investissement public, les dépenses "somptuaires" des collectivités locales. Moins d'impôt, moins d'Etat, voilà le slogan de cette politique économique qui n'ose dire son nom. Tandis que l'on clame son retour à grand renfort de discours, on organise sciemment son affaissement définitif aujourd'hui sous les applaudissements de l'opinion publique à qui on ne présentera la note que plus tard, de préférence après les élections de 2012.

Dans le même temps, "on mégote", dès qu'il s'agit du financement du revenu de solidarité active (RSA), du maintien de postes dans l'enseignement supérieur et la recherche, "une priorité nationale", du soutien à la consommation des plus nécessiteux au bonus-malus écologique.
"On" s'effarouche de son coût de 200 millions d'euros dans l'automobile et "on" bloque toute extension de cette mesure à d'autres secteurs au nom du sacro-saint principe du dérapage de nos finances publiques et du respect de nos engagements européens.

De qui se moque-t-on ?

La baisse de la TVA à 5,5 % est un cadeau d'un montant quinze fois supérieur, à la seule destination des restaurateurs et de leurs clients - qui sont d'une façon disproportionnée les personnes les plus aisées.
Si la baisse était intégralement répercutée, les 10 % des ménages les plus riches bénéficieraient d'une réduction d'impôt de 500 millions d'euros, soit 200 euros par ménage.
Ironie du sort, ce gain équivaut à la suppression des deux tiers de l'impôt sur le revenu pour les contribuables les plus modestes, mesure annoncée lors du dernier sommet social.
Qui eût cru Ronald Reagan si à la mode en ce printemps ?

Nicolas Ruiz est économiste à l'Institut d'économie publique (IDEP).
Alain Trannoy est directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Article paru dans l'édition du 26.03.09

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